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Yellowface, quand le monde de l’édition en prend pour son grade…

C’est une histoire magistrale racontée par la mauvaise personne. June Hayward et Athena Liu ont étudié ensemble à Yale, ont déménagé à Washington après avoir obtenu leur diplôme et sont toutes les deux écrivaines, mais les similitudes s’arrêtent là. Athena est une étoile montante de la littérature, et June n’est personne. Après tout, qui s’intéresse de nos jours aux histoires d’une fille blanche aussi banale qu’elle ? Lorsqu’elle assiste à la mort d’Athena dans un accident invraisemblable, June agit donc sans réfléchir et vole le manuscrit que son amie et rivale vient de terminer – un roman sur les contributions méconnues du corps des travailleurs chinois pendant la Première Guerre mondiale.
Et si June corrigeait le récit et l’envoyait à son agent comme s’il s’agissait de son propre travail ? Et si elle adoptait le nom de Juniper Song et jouait sur l’ambiguité de son origine ethnique ? Quelle qu’en soit l’autrice, ce morceau d’histoire ne mérite-t-il pas d’être raconté ? Mais June ne peut échapper à l’ombre d’Athena, et des révélations menacent de faire s’écrouler son succès volé.
Jusqu’où sera-t-elle prête à aller pour protéger son secret ?

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Thèmes : Edition, Ecriture, Whitewashing, Réseaux Sociaux, Vol d’oeuvre, Karenisme….

Trigger warning : Mort, racisme, islamophobie, chantage, Harcèlement, viol, pensées suicidaires

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Cela faisait des mois que Yellowface me faisait de l’oeil. Un livre sur le monde de l’édition qui n’hésite pas à dire les termes ? Bien sûr que j’étais impatiente de le découvrir. Et je n’ai pas été déçue !

Yellowface raconte l’histoire de Juniper, une autrice blanche ratée qui, après avoir assisté à la mort accidentelle de sa rivale, écrivaine sino-américaine à succès, va voler son dernier manuscrit et le publier à son nom. Juniper est une Karen qui n’hésitera pas à faire les choses les plus viles pour mettre son nom tout en haut des listes.

On lit donc l’histoire de son point de vue. Une Karen complètement allumée qui va s’enterrer dans le déni et faire passer les autres pour les vilains de son histoire. Rebecca F. Kuang maitrise son personnage à la perfection. Juniper est l’archétype de la femme blanche cishet qui se pense persécutée par des extrémistes en mal de supériorité : Elle, raciste ? Elle a votée Biden enfin ! Et pourquoi ne pourrait-elle pas avoir écrit, elle aussi, sur les travailleurs chinois pendant la Première Guerre Mondiale ? Pourquoi faudrait-il que ce soit réservé à des auteurices chinois(es) ? Athéna ? Une femme qui se croit supérieure. Elle a tout eu et pourquoi, Juniper, elle n’a rien ? C’est forcément de sa faute. Parce que Juniper aussi, est une autrice de talent. C’est juste que l’industrie est en mal de diversité et discrimine les auteurices blanc(he)s. Oui, bien sur, ça ne peut être que ça ! Ce roman, elle ne l’a pas volé. C’était un manuscrit impubliable en l’état. Sans elle, ce roman n’aurait jamais pu paraitre. C’est grâce à son talent d’écriture qu’il est devenu aussi bon.

Vous avez ici un tout petit extrait de la personnalité et des convictions du personnage de Juniper. Et croyez-moi, vous n’avez encore rien lu.

“Do you know what it’s like to pitch a book and be told they already have an Asian writer ? That they can’t put out two minority stories in the same season ? That Athena Liu already exists, so you’re redundant ? This industry is built on silencing us, stomping us into the ground, and hurling money at white people to produce racist stereotypes of us.”

Car Rebecca F. Kuang n’épargne pas non plus l’industrie littéraire. Tout le monde en prend pour son grade : Juniper, tout d’abord, les éditeurs, les maisons d’éditions (qu’elles soit américaines ou françaises !), les agents mais aussi les influenceurs et les réseaux sociaux, personne n’est oublié. On découvre ainsi tous les travers d’une industrie finalement assez privée sur son fonctionnement interne. Où l’on se rend compte que, derrière les bons mots, les belles intentions, et les prix littéraires se cache un monde pourri de l’intérieur qui reproduit les mêmes cycles toxiques d’années en années. Un univers où seuls l’apparence et l’argent comptent.

L’autrice, elle-même sino-américaine, aborde toutes les questions les plus sensibles sur les auteurices issues des minorités et leurs difficultés à être reconnu(e)s et publié(e)s, sur la question des sensitive readers et leur traitement par les auteurices blanc(he)s ainsi que sur les pressions des maisons d’éditions et les cases dans lesquelles les auteurices racisé(e)s qui ont enfin connus le succès sont enfermé(e)s. Elle dénonce les travers d’une industrie occidentale où les bad buzz, au lieu d’être un bon moyen d’apprendre et de mieux faire, sont un moyen de vendre encore plus, où l’on préfère faire l’autruche plutôt que d’adresser les problèmes et de respecter son lectorat et où l’on n’hésite pas à whitewasher plutôt qu’à trouver des auteurices concernées.

Yellowface est un roman satyrique de grande qualité et l’industrie en avait terriblement besoin. J’espère qu’il servira à ouvrir les yeux sur les questions traitées et que les lecteurices souhaitant devenir, eux aussi, auteurices à succès, auront une vision un peu moins idéalisée du monde littéraire. Le monde de l’édition en avait besoin, Rebecca F. Kuang l’a fait !

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Edition originale: HarperCollins – Env. 20€ / Edition Française : De Saxus (Simple et Collector)

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