Contrairement aux autres pays, la France a, depuis 1981 une loi qui instaure un prix unique pour le livre. De ce fait, lorsqu’un livre sort, il est au même prix partout. Beaucoup de consommateurs l’ignorent pourtant toujours. Mais que se passe t’il pour un livre qui n’est plus neuf ou plus édité ? Pourquoi certains livres atteignent des prix exorbitants ?
Le cycle de vie d’un livre
Avant de parler chiffres, faisons un point sur la vie d’un livre. Tout commence par un éditeur qui décide de publier un ouvrage après que l’auteurice l’ai créé et lui a envoyé. Celui-ci arrive sur les tables des libraires où il y reste pendant environ 3 mois. C’est le délai établi entre les éditeurs et les libraires pendant lequel ces derniers s’engagent à le mettre en avant. Passé ce délai, le livre est, soit retourné chez le distributeur (celui qui s’occupe de distribuer le livre dans les points de ventes pour l’éditeur) s’il ne s’est pas vendu, soit remis en rayon si les ventes sont correctes. Il arrive aussi qu’il ne quitte pas les tables. Soit parce qu’il s’agit d’un coup de coeur du libraire qui va souhaiter le garder en présentation, soit parce que c’est un succès tel que le libraire le recommande régulièrement.
Quand le livre ne se vend pas ou plus, le distributeur le récupère. Dès lors, soit il est entreposé, soit il est détruit puis réimprimé (car cela coûte moins cher que de le stocker). Même s’il n’est plus présent en librairie, il reste disponible à la commande pour le client (via les libraires ou les sites de vente en ligne) pendant un certain temps qui varie selon les titres. Mais comme pour tout, le livre a une date d’expiration. Et il arrive le moment fatidique où celui-ci ne se vend plus assez pour rapporter à l’éditeur qui décide alors d’en arrêter la commercialisation.
Fin ? Pas vraiment ! Car il reste dans la nature les exemplaires achetés par les clients. Qu’arrive-t’il donc à un livre qui a été acheté par quelqu’un lorsque cette personne décide de s’en séparer ?
Que se passe-t’il quand un livre n’est plus “neuf” ?
Si la loi Lang s’applique pour les livres neufs, encore édités, il n’en est rien pour les livres d’occasion ou les livres qui ne sont plus édités. Puisque ceux-ci ne sont plus considérés comme neufs, les particuliers comme les professionnels peuvent les vendre au prix qu’ils souhaitent. Attention cependant : si les livres d’occasion encore édités en neuf ne peuvent être revendus plus cher que le prix fixé par l’éditeur par les professionnels, il n’en est rien pour ceux en arrêt de commercialisation. Si la grande majorité se revend pour trois fois rien, il existe certains cas où les prix peuvent vite flamber.
Les premières éditions
Les collectionneurs de livres en sont friands. Une première édition, c’est le tout premier tirage d’un livre. Quand celui-ci est épuisé, il est réimprimé. Un client lambda ne verra pas la différence car rien ne change d’une réimpression à une autre. Pour savoir si un livre est une première édition ou non, il suffit de voir à l’intérieur du livre, au début ou à la fin :
Ici, il s’agit de premières édition (cliquez sur les images pour les agrandir). Dans un cas la mention existe, dans l’autre non. Pour savoir s’il s’agit vraiment d’une première édition, il faut regarder le dépôt légal. S’il n’y a pas d’autre mention, il s’agit d’une première édition.
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Et voilà les rééditions. Sous le dépôt légal de la réimpression figure celui de la première édition. Dans l’autre cas, on indique clairement qu’il s’agit d’une “suite du premier tirage”, c’est à dire, une réimpression.
Les termes peuvent varier d’un éditeur à un autre. Il faut donc bien faire attention et ne pas hésiter à faire quelques recherches. Car certaines premières éditions de livres, notamment ceux devenus cultes, peuvent se revendre extrêmement cher ! Il existe tout un marché pour les premières éditions qui sont souvent revendues dans les ventes aux enchères ou sur les sites de vente en ligne comme Ebay.
Quelques exemples de premières éditions et leur valeur :
- Une première édition d’Harry Potter (publié à 500 exemplaires en version relié à l’époque) s’est vendue récemment pour 450 000 euros.
- Une première édition de Frankenstein de Mary Shelley s’est vendue pour un peu plus d’un demi-million de dollars (on l’estimait au début de la vente entre 200 et 300 000 dollars).
- Publié initialement en trois tomes en 1813, Orgueil et Préjugés est difficile à trouver dans cette édition. Un exemplaire de cette “trilogie” s’est vendue pour 140 000 dollars chez Sotheby’s.
Les éditions rares
On appelle éditions rares tous les livres publiés en quantité limitée. Cela peut-être des éditions spéciales (avec des éléments différents du tirage commun), des livres avec des défauts d’impression (c’est très recherché pour les livres anciens, beaucoup moins pour les contemporains) ou des éditions de luxe tirées à tout petit tirage.
En France, on voit de plus en plus d’éditions rares ou limitées dans le marché du manga (avec les collectors de plus en plus fréquents) et celui du young adult. Mais on en compte aussi dans le secteur de l’imaginaire et de la littérature (par exemple, pour noël, chaque année, des éditeurs poches proposent une sélection de livres dans des éditions spéciales pour relancer les ventes). C’est le cas notamment chez Bragelonne / Big Bang, Lumen, J’ai Lu, Pocket, Folio, Le Livre de Poche, La Martinière jeunesse, etc…
Mais les éditions qui déchainent toutes les passions, ce sont celles de l’éditeur De Saxus qui propose, pour chaque ouvrage paru, deux éditions. Une brochée, commune, et une reliée, qui n’est pas rééditée une fois épuisée (enfin, c’était le règle à la base, l’éditeur ayant décidé de réimprimer depuis certains de ses anciens reliés pour contrer les spéculateurs). Si les éditions collectors ont toujours existées, on a pu voir un véritable changement de consommation avec le lancement de De Saxus dans la YA et l’imaginaire. Grâce à un catalogue soigné (l’éditeur fait toujours mouche en publiant des titres très attendus du public français) et des éditions qui en mettent plein la vue (gaufrage, jaquettes inédites, illustrations….), le tirage est souvent épuisé le jour de sa sortie et certains en profitent. C’était aussi le cas pour les tomes 98 à 100 de One Piece pour lesquels Glénat avait sorti une édition spéciale limitée avec étui cuir. Ces éditions, dans le secteur du manga ont lancés une vague de folie chez les acheteurs et, pendant une longue période, les éditions collectors étaient raflées dès les premières heures le jour de la sortie.
Car ces éditions ne sont pas beaucoup plus chères que les versions classiques en général. Elles restent accessibles pour le grand public. Mais le tirage limité en font des objets parfois très très recherchés ce qui attirent des personnes mal intentionnées qui ne cherchent qu’une chose : se faire de l’argent facile rapidement.
Les livres temporairement indisponibles victimes de la spéculation
C’est un problème qui s’est développé ces derniers années. Si un livre devient indisponible, certaines personnes en profitent pour gonfler les prix de reventes sur le net. Du coup, au lieu de trouver le livre que vous cherchiez en occasion moins cher que le prix d’origine (ce qui est censé être la base), vous le trouvez à 50, 100, 200€. Cela est souvent le cas pour les livres en arrêt de commercialisation mais ça se fait aussi de plus en plus pour les livres qui sont en rupture de stock temporaire. N’hésitez pas à vous renseigner auprès d’un libraire sur la disponibilité réelle d’un livre. Ce dernier pourra vous dire s’il sera réimprimé ou non. Il n’est pas normal de payer de manière exorbitante un livre basique juste parce qu’il n’est pas disponible sur le moment.
Pourquoi la revente d’ouvrages rares à des prix élevés n’est pas forcément une arnaque
C’est un sujet sensible que celui de la revente de livres rares ou limités à prix plus élevé. Certains vous diront que c’est un scandale et que les gens arnaquent ceux qui n’ont pas pu se procurer les ouvrages en question. Je ne suis pas totalement d’accord. C’est la rareté qui fait le prix d’un objet. Et les éditeurs le savent bien. Quand un éditeur fait une édition limitée, il se doute bien qu’il y aura un marché secondaire et que certains en profiteront pour revendre plus cher les livres une fois que ceux-ci ne seront plus disponibles à la vente classique. C’est un procédé qui a des années de pratique derrière lui. Des maisons de ventes aux enchères ont régulièrement des ouvrages anciens et rares à la vente et cela ne choque personne. Ce qui choque, c’est que cela se fait aujourd’hui avec des livres plus récents. Sachez qu’à partir du moment où un livre n’est plus édité, il n’y a aucune règle quant à sa revente.
Par contre, dans le cas où une édition est achetée en quantité par certains qui la remettent en vente le jour de la sortie 10 fois son prix, on peut clairement parler d’arnaque. N’achetez jamais de livres dans ces conditions ! Premièrement parce que vous encouragerez les spéculateurs à continuer, deuxièmement parce que les prix redescendront. Si les spéculateurs ne vendent pas, ils finiront par revendre à un prix raisonnable plus tard. Il y aura toujours moyen pour vous de trouver le livre à un prix correct ! Ne cédez pas aux sirènes de la facilité ! Encore mieux, signalez les annonces !
Réimprimer est-il la solution pour réduire les prix de reventes ?
Bien sûr ! Réimprimer un livre, le rendre à nouveau disponible est le meilleur moyen de contrer les spéculateurs. Dans le cas d’éditions standards c’est clairement la meilleure chose à faire. Dans le cas des éditions limitées, en revanche, il peut y avoir débat. Certains seront pour, bien sûr, et ils n’aurons pas tord. Mais ceux qui sont contre, non plus ! Car, en effet, le côté limité de ces ouvrages leur font prendre de la valeur. C’est normal, c’est comme cela que ça fonctionne. Alors il est compréhensible de voir certaines personnes ne pas apprécier une réimpression d’un ouvrage présenté au départ comme limité. Toutefois, il ne faut pas oublier une chose : si la réimpression permet aux gens n’ayant pas pu se procurer une édition de le faire, cela ne baisse en rien la valeur du livre. Bien au contraire ! Une première édition aura toujours une valeur bien plus importante qu’une réédition ! Si votre objectif est de se faire de l’argent en spéculant, la réimpression vous mettra des bâtons dans les roues (et franchement, tant mieux !) mais si vous êtes un collectionneur qui voue une grande importance à la valeur d’une édition limitée, pas d’inquiétude ! Votre édition prendra toujours de la valeur avec le temps !
Vous l’aurez donc vu, la vie d’un livre dans le marché de la seconde main est mouvementée. J’espère que cet article vous aura permis d’y voir un peu plus clair et vous permettra de vous repérer dans ce secteur pas toujours très simple !