Tout ce que dit Manon est vrai de Manon Fargetton, un #MeToo de l’édition jeunesse ?

Au centre, Manon.
Autour, une ronde de personnages, qui projettent sur elle leurs peurs, leurs insécurités et leurs fantasmes.
Ils croient la connaître mieux que personne. Ce sont ses parents, ses frères, son amie au lycée, l’homme qu’elle aime. Et ce sont eux qui vont raconter cette année où tout bascule parce que Manon, seize ans, entame une relation avec un éditeur de bande dessinée de trente ans son aîné. Elle a du talent. Il va la publier. Ils s’aiment. La femme de l’éditeur aussi l’aime. Les lignes se brouillent, tout se mélange : l’histoire qu’ils vivent et l’écriture de la bande dessinée, l’admiration, l’amour. Et le passé ressurgit soudain dans le présent.
Rapidement, la mère de Manon refuse ce prétendu amour, cherche à protéger sa fille par tous les moyens, s’expose à la colère adolescente de celle-ci. Deux visions du monde s’affrontent. Deux visions de l’amour. Deux visions de ce que signifie être adulte. Et entre elles, d’autres voix, qui chacune renferme un morceau de la vérité.

Thèmes : Adolescence, #MeToo, Famille recomposée, Introspection, Amour…

Trigger Warnings : Agression sexuelle, manipulation, harcèlement, abus psychologique, chantage affectif 

Connue pour ses ouvrages jeunesse et imaginaire, Manon Fargetton bouscule la rentrée littéraire adulte avec un roman pas tout à fait comme les autres. Cette autofiction met en lumière son passée et la relation toxique entre son éditeur et elle quand elle était ado.

Je ne vais pas vous mentir, il m’a fallu prendre plusieurs fois des pauses à la lecture de ce titre. Parce que le sujet n’est pas facile. Et parce qu’ici, ce n’est pas Manon qui raconte l’histoire mais tous les protagonistes qui gravitent autour d’elle. Parents, amis et surtout prédateurs. On rentre ainsi dans la tête de ces gens et on en ressort difficilement calme pour certains. Une narration ingénieuse et percutante qui fait son effet !

Tu es un château en état de siège prête à te défendre jusqu’au ridicule. Je n’ai plus le courage de t’affronter. Chaque bataille m’use. Il y en a eu tellement l’an dernier. Mais je n’ai pas le choix, je dois tenir, au risque de te perdre, Manon. Je te protègerai malgré toi.

Depuis la sortie de Tout ce que dit Manon est vrai, je vois beaucoup de médias en parler et le présenter comme un simple roman abordant un sujet grave. Je m’en étonne et cela me désole aussi beaucoup. Car ce livre n’est pas une histoire inventée. Il s’agit de l’expérience véritable de l’autrice. Certes, il y a une part de l’histoire qui est romancée, mais la relation entre son éditeur et elle est véridique.

Ici, Manon Fargetton a modifié quelques éléments pour tenter de brouiller un peu les pistes. Mais en faisant quelques recherches, on comprend que l’éditeur en question n’a pas sévit dans l’univers BD, mais dans celui de la jeunesse. Et qu’il sévit toujours. On est donc face à un #MeToo de l’édition jeunesse et personne ne s’en offusque. Personne ne dit rien (comme dans Tout ce que dit Manon est vrai, ironiquement).

Le vide t’effraye, il faut le remplir, alors tu le remplis de lui. Tu n’acceptes pas tout. Mais tu acceptes trop.

Je m’attendais à un effet similaire à celui de la parution du Consentement de Vanessa Springora vu la gravité de ce qui est révélé ici. Mais la presse n’a rien vu. Ou n’a pas voulu voir qu’il s’agissait en réalité d’un témoignage. Que l’on parlait d’une véritable personne en contact avec de jeunes mineures qui a sévit avant Manon et qui a continué depuis. Et je dois dire que cela me rend dingue de voir que cette personne n’est pas inquiétée le moins du monde.

Il est loin encore le temps où les prédateurs de l’édition française se verront inquiétés pour leurs crimes…..

En attendant, vous pouvez contribuer à faire en sorte que ce qu’à vécu Manon soit connu et évite de se reproduire en lisant son livre. Une lecture difficile par moment mais clairement indispensable !

Grand Format : Héloïse d’Ormesson – 21€ / Poche : N’existe pas